Chapitre I. Poueylaün : un oratoire consacré à Notre-Dame et un « hospitalet », dès le Moyen Âge
I.1. Avant 1449. La position du site, dernier avant-poste habité avant le passage en Espagne par la vallée du Tech et le col de La Peyre Saint-Martin, laisse à penser qu’existait à cet endroit, dès le Moyen Âge, un « hôpital », vraisemblablement accolé à un oratoire, où marchands, bergers, pèlerins allant à Saint-Jacques, ou en Espagne pour leur négoce, pouvaient se réfugier, recevoir des secours matériels et spirituels…............................................................................................................. 29
I.2. 1er novembre 1449. Première mention de « l’œuvre de Notre-Dame de Poueylaün » 34
« … Pour autant qu’on puisse consulter le passé, il nous permet d’admettre que le culte de N.-D. de Poueylaün est aussi ancien que la christianisation du pays. Le culte de la Sainte Vierge s’est installé et développé, nous semble-t-il, à mesure que le pays se christianisait, christianisation qui s’est poursuivie et accentuée pendant tout le Moyen Âge. […] (Source. Abbé Bernard Peyou, curé d’Arrens. Notre-Dame de Poueylaün, « Tu honorificentia populi nostri », Tarbes, 21 juin 1945, p. 8)
Comme nous le redoutions, notre moisson d’archives datant du Moyen Âge s’est révélée infructueuse. Pourtant, un champ d’investigation reste encore grand ouvert : celui des minutiers et autres fonds conservés sur le versant espagnol des Pyrénées. Nous regrettons que le temps de les explorer nous ait manqué, alors que nous avons relevé que certaines familles azunoises avaient l’habitude de faire des legs pies en faveur de sanctuaires espagnols comme Montserrat ou Notre-Dame del Pilar (voir ci-dessous, legs en 1586, 1605, etc.). Une coutume semblable émanant de donateurs espagnols en faveur de sanctuaires français et remontant à des temps aussi reculés n’étant pas à exclure, il est vraisemblable que de précieuses informations concernant nos sanctuaires bigourdans, et peut-être même N.-D. de Poueylaün, auraient pu être découvertes à Sallent-de-Gallego, Huesca ou Saragosse ?
Nous nous efforcerons de combler cette lacune, en rappelant la place singulière de Notre-Dame dans la société bigourdane, et, en particulier, les liens entre Notre-Dame du Puy et la Bigorre.
- IXe siècle. Acte d’allégeance d’un chef sarrasin qui décida de placer son château de Mirambelle [Lourdes] assiégé par Charlemagne ainsi que sa seigneurie de Bigorre non pas sous la suzeraineté de l’Empereur, mais sous la seule suzeraineté de Notre-Dame-du-Puy.
« … Le culte de la Sainte-Vierge est aussi ancien que l’Eglise. Après l’Ascension de Notre-Seigneur, les Apôtres, les Disciples et les premiers chrétiens entourèrent la Mère de Jésus-Christ d’une respectueuse vénération.
Dans le diocèse de Tarbes et Lourdes, formé au Concordat par la majeure partie de l’ancien diocèse de Bigorre ou de Tarbes, d’une notable partie de l’ancien diocèse de Saint- Bertrand de Comminges et de nombreuses paroisses de l’archidiocèse d’Auch, le culte de la Sainte Vierge s’établit en même temps que le Christianisme.
L’histoire des origines chrétiennes du diocèse commence avec le IVème s. Il y avait alors des chrétientés nombreuses et organisées dans les villes et les campagnes. Au Concile d’Arles, tenu en 314, assistaient Mamertinus, métropolitain d’Eauze et le diacre Léontius. De la province d’Eauze dépendaient les diocèses de Comminges et de Bigorre. Par ailleurs, de nombreux documents épigraphiques et archéologiques signalaient Patroclus, évêque de Lugdunum Convenarum, aujourd’hui Saint-Bertrand-de-Comminges, avant 347, et Severus, avant 385 […] Dans le diocèse de Bigorre, vécurent aux IVème et Vème s. de nombreux saints, que Grégoire de Tours signale dans son De Gloria Confessorum : saint Mesclin, à Tarbes ; saint Sever, à Saint-Sever-de-Rustan ; [saint Orens, un des premiers évêques d’Auch, qui fonda un ermitage en Lavedan : le couvent de Saint-Orens, dont quelques ruines subsistent encore] ; saint Savin. Ce dernier est identifié par de nombreux historiens avec Sulpice-Sévère. Sulpice-Sévère fut un disciple de saint Martin, évêque de Tours qui aima tant la Vierge ; il fut aussi l’ami de saint Paulin, évêque de Nole, un Aquitain, qui, dans un poème, parle de Notre- Dame engendrant l’Homme-Dieu, sans perdre sa virginité […]
L’empereur Charlemagne s’occupa de réduire la province de Bigorre, dans les Pyrénées, où un chef sarrasin s’était constitué une sorte de souveraineté indépendante. Il l’assiégea dans son imprenable citadelle de Mirambelle, à Lourdes. Devant l’insuccès de l’entreprise, Rorice ou Borice, évêque du Puy, qui accompagnait l’Empereur, se mit en prière et invoqua la Reine du Ciel. Grâce à l’intercession de Notre-Dame et à un miracle qu’elle accomplit [miracle de l’aigle qui, en transportant du poisson pris dans le lac de Lourdes, assurerait la subsistance des guerriers retranchés dans le château], l’évêque rencontra le chef musulman, jusqu’alors intraitable, qui s’adoucit et fut touché par la grâce.
« Puisque tu ne veux pas, dit-il à Mirat, te rendre au roi Charlemagne, qui est le plus illustre des mortels, rends-toi du moins à la plus noble Dame que jamais fut, à la mère de Dieu, Sainte-Marie du Puy. Je suis son serviteur. Sois son chevalier ». Ayant entendu ces paroles, Mirat répondit : « Je me rends ; je livre ma personne et mes biens à la Mère de Dieu, Sainte-Marie du Puy. Je veux en son honneur me faire chrétien et devenir son chevalier. Mais je veux que moi et ma postérité gardions le comté de Bigorre aux mains de Notre-Dame, mais libre de redevance. »
Prenant alors dans la main une poignée d’herbes de la prairie où il s’entretenait avec Mirat, Rorice dit encore : « Puisque tu ne veux rien offrir en signe d’hommage à la Mère de Dieu, ne lui refuse pas du moins la redevance de quelques poignées de cette herbe ». Mirat répondit : « Refuser l’hommage de cette herbe serait ne vouloir rien faire de ce que tu m’as conseillé, et que je t’ai déjà accordé ». « Il en sera ainsi, répondit l’évêque ». Retourné auprès de Charlemagne, Rorice lui raconta ce qu’il avait fait. L’Empereur le ratifia.
Peu après, Mirat escorté d’une troupe de ses hommes, se rendait au sanctuaire de Notre-Dame du Puy. En signe de soumission, ils portaient, attachées à leurs lances, des bottes de foin formées de l’herbe de la prairie. Arrivés au Puy, ils jonchèrent de cette herbe le sol du sanctuaire, puis rendirent hommage à Notre-Dame. Mirat et ses soldats reçurent le baptême. Mirat fut ensuite armé chevalier sous le nom de Lorus. Suivant l’usage du temps, il donna son nom au château qui depuis s’appelle Lourdes … » (Source. J. Francez. La dévotion mariale dans les Hautes Pyrénées. Essai sur son développement historique. Imp. de Bigorre Tarbes, 1951, p. 4-5).
C’est à la même époque que Charlemagne créa la charge d’abbé-laïque. « Lorsqu'on se promène en effet en Bigorre et surtout en Lavedan (Labéda), mais aussi en Béarn et en pays basque, nous rappelle Jean Bourdette dans ses Annales, on peut être étonné par le nombre de personnes s’appelant Abadie ou Dabadie. Ce nom si familier a pour origine l’importance de la présence dans le pays, pendant des siècles, d’abbés laïques (ou abbés-lays). Peu connus du grand public, ces hommes laïcs, donc sans obligations propres aux ecclésiastiques, possédaient héréditairement le droit de recevoir la dime de leur paroisse, à charge pour eux, de pourvoir aux besoins du curé et à l’entretien de l’église. Cette charge donnait droit d’entrée au Parlement de Bigorre. Ils bénéficiaient du droit à nommer le curé, mais c'est l'évêque, en dernier ressort, qui décidait. Ils recevaient le tiers des offrandes qui se faisaient lors des fêtes et en fin d'année. En plus, ils occupaient une place privilégiée lors des offices, ils percevaient en premier, le pain bénit, pouvaient être enterrés dans l'église et bénéficier de la sonnerie à la volée lors de leurs obsèques. Étant considérés comme nobles, les abbés rendaient au comte les devoirs ordinaires de la vassalité et devaient le service militaire en temps de guerre. Ils habitaient généralement près de l’église et leur maison était considérée comme noble et de ce fait, ils étaient exempts de taille avec les terres y attenant… » (Source. Jean Bourdette. Annales du Lavedan, tome 1, pp. 112-113).
Photo n° 009. Le comte de Bigorre remet son épée en signe d’allégeance à Notre-Dame du Puy. Dessin de Nancy de Méritens pour le documentaire "Lourdes et la Tradition Mariale dans les Pyrénées" réalisé par Jean Hêches (1994)
- 1062. Renouvellement de l’hommage du comté de Bigorre à Notre-Dame du Puy, en Velay.
« …En 1062, devant l’évêque du Puy, Pierre II de Mercoeur, le comte Bernard de Bigorre renouvela l’allégeance à Notre-Dame du Puy de son domaine comtal, exempt de toute autre suzeraineté que celle de Notre-Dame […]. Le Puy, Lourdes : deux lieux où apparut la Bienheureuse Vierge Marie à des siècles de distance, mais lieux qui vivent de Notre-Dame, dans un lien très étroit de parenté spirituelle… » [Voir ci-dessous -1604, 1607, etc.-, les legs faits à Notre-Dame du Puy de France] (Source. Internet. Site : La prière pour la France).
- 1292. « Collauna » désignerait, en 1292, « Poueylaün » …
« … Le toponyme « collauna » a été un temps (1292) [nous soulignons] attaché au sanctuaire… ». [Malheureusement, aucune précision n’est donnée sur le document qui a servi de justification à cette assertion. Voir ci-dessus, Intro. § 3] (Source. Pierre Brunet, etc., Montagnes sacrées d’Europe, Paris, Publications de la Sorbonne, 2005).
- XIIIè s. / XIVè s. « Notre-Dame ! Notre-Dame ! Bigorre », ou « Notre-Dame de Bigorre », cri de guerre des chevaliers bigourdans.
« … Les chevaliers, qui combattaient aux XIIIème s. et XIVème s. sous la bannière des comtes de Bigorre, avaient pour cri de guerre : Notre-Dame de Bigorre ». (Source. J. Francez, La dévotion mariale dans les Hautes-Pyrénées, Tarbes, 1951, p. 16).
Cet élément d’histoire de la Bigorre est rappelé dans le sous-titre du journal hebdomadaire La croix des Pyrénées. Mais ce cri de guerre prend une forme un peu différente. Il est rappelé de la façon suivante : « Notre Dame ! Notre Dame ! Bigorre » (Cri de guerre des Bigourdans).
Photo n° 010. Journal La Croix des Pyrénées. 1935. 39èmeannée. (Source. ADHP. 2 J B 1/44)
- 1307. Cession de l’hommage de la Bigorre par l’évêque du Puy à Philippe-le-Bel, roi de France
« …En 1307, l’évêque du Puy et son chapitre céderont à Philippe le Bel l’hommage de Lourdes et de la Bigorre, lequel sera remplacé par un tribut annuel et perpétuel qui sera versé jusqu’à la Révolution française. Ainsi, l’église angélique du Puy revendique hautement et à juste titre son droit d’aînesse et de suzeraineté sur la terre de Lourdes. Plus près de nous, les pèlerinages reprendront de Lourdes au Puy et celui du 15 août 1829 sera l’un des plus marquants. De plus, le 11 février 1856, le pape Pie IX signera le décret d’érection de la cathédrale du Puy, église-mère de Lourdes, en basilique mineure, soit deux ans jour pour jour avant la première apparition de la Bienheureuse Vierge Marie à Lourdes… » (Source. Internet. Site : La prière pour la France).
- 1348-1350. La grande peste.
« …La peste noire est une pandémie de peste bubonique, qui a touché la population européenne entre 1347 et 1352. Elle n'est ni la première ni la dernière épidémie de ce type, mais elle est la seule à porter ce nom. En revanche, elle est la première épidémie de l'histoire à avoir été bien décrite par les chroniqueurs contemporains. On estime que la peste noire a tué entre 30 et 50 % de la population européenne en cinq ans, faisant environ vingt-cinq millions de victimes.
De Marseille, en novembre 1347, la « grande peste » gagna rapidement Avignon, en janvier 1348, alors cité papale et carrefour du monde chrétien, la venue de fidèles en grand nombre contribuant à sa diffusion. Début février, elle atteint Montpellier, puis Béziers. Le 16 février 1348, elle est à Narbonne ; début mars à Carcassonne ; fin mars à Perpignan. Fin juin, l'épidémie atteint Bordeaux. À partir de ce port, elle se diffuse rapidement. L'Angleterre est touchée le 24 juin 1348. Le 25 juin 1348, elle apparaît à Rouen, puis à Pontoise et Saint- Denis. Le 20 août 1348, elle se déclare à Paris. En septembre, la peste atteint le Limousin et l'Angoumois ; en octobre le Poitou ; fin novembre Angers et l'Anjou. En décembre, elle est apportée de Londres à Calais. En décembre 1348, elle a envahi toute l’Europe méridionale, de la Grèce au sud de l'Angleterre. L'hiver 1348-1349 arrête sa propagation.
En décembre 1349, la peste a traversé presque toute l’Allemagne, le Danemark, l’Angleterre, le Pays de Galles, une bonne partie de l’Irlande et de l’Écosse. Elle continue ensuite sa progression vers l'est et vers le nord, dévastant la Scandinavie en 1350, puis l'Écosse, l'Islande ou le Groenland, s'arrêtant aux vastes plaines inhabitées de Russie en 1351. Cette progression n'est pas homogène, les régions n'étant pas toutes touchées de la même façon. Des villages, et même certaines villes sont épargnées comme Bruges, Milan et Nuremberg, au prix de mesures d'exclusion drastiques, et il en est de même pour le Béarn et la Pologne… » (Source. Wikipedia).
- Sous le règne d'Edouard III (1327-1377), la légende de Léonore et de Régnier d'Arcizans au château du Prince Noir. Récit légendaire de la fondation de la chapelle de Poueylaün conté par Lady Georgina Chatterton dans The Pyrenees with Excursions into Spain (Sources. Lady Georgina Chatterton, The Pyrenees with Excursions into Spain. Londres, Saunders & Otley, 1843. 2 tomes, 384pp. ici Tome II, chapitre X intitulé "Tale of Notre-Dame de Pouy la Hunt and of the château of Anzizans [Arcizans-Avant]" p. 127-148). #151 - The Pyrenees, with excursions into Spain, by Lady ... v. 2. - Full View | HathiTrust Digital Library
Traduction A.L. La légende de Poueylaün et du château du Prince Noir d’Arcizans par lady Chatterton[1]
[1] The Pyrenees, with excursions into Spain, by Lady Georgiana Chatterton (1806-1876), London, Saunders and Otley, 1843, vol. 2, chapitre X. “Tale of Notre Dame de la Pouy la Hunt and of the Château d’Anzizans (p. 127-148). #11 - The Pyrenees, with excursions into Spain, by Lady ... v. 2. - Full View | HathiTrust Digital Library. La visite du sanctuaire de Poueylaün a lieu deux jours après le pèlerinage de l’Assomption, le 17 août 1842 (cf. Edward Heneage Dering, Memoirs of Georgiana, Lady Chatterton: With Some Passages from Her Diary by Georgiana Chatterton, Henrietta Georgiana Marcia Lascelles Iremonger Chatterton, Publisher Art and Book Co., London, 1901, p. 99).
Leonore: A Tale - Lady Georgiana Chatterton - Google Livres
« Il n’y a pas d’endroit dans les Pyrénées, ni peut-être dans aucune partie du monde, plus charmant que le petit village de Arcizans [Arcizans-Avant]. Son ancien château en ruine est situé sur une hauteur boisée, détaché des montagnes adjacentes, et offrant une vue sur trois belles vallées—celles d’Argeles, de Pierrefitte et d’Azun. Il était, dans le passé, la principale forteresse du voisinage, en raison de sa position dominante, et, sous le règne [1327-1377] d’Edouard III [1312-1377], a été courageusement défendu contre une grande force espagnole par le baron anglais, Regnier d’Arcizans[1].
On raconte une histoire de ce baron anglais qui m’a beaucoup intéressé, liée à la fondation de cette vieille église que nous avons visitée [17.8.1842] avec tant de plaisir, Notre Dame de Pouy la Hunt.
À cette époque, il y avait une beauté célébrée, la fille du comte de Foix[2], dont les charmes étaient si grands qu’elle tournait la tête et troublait le cœur de la moitié des chevaliers en France. Étant d’une maison royale et une grande héritière, le père de Léonore était naturellement assez méticuleux dans le choix de son mari, et la jeune femme elle-même avait jusque-là regardé froidement tous les prétendants qui s’étaient précipités à la cour de Foix. Enfin, le baron anglais Regnier d’Arcizans fit son apparition lors d’un tournoi à Foix, et une passion mutuelle en est née. Cela n’était pas étonnant, car le beau chevalier vaillant vainquit tous les adversaires, et devint lui-même victime des charmes de Léonore, dont il reçut chaque prix de la belle main.
Mais le vieux comte, son père, ne regardait pas favorablement son projet de mariage, car il détestait les Anglais et était jaloux des vastes territoires qu’ils possédaient alors en France ; ainsi le baron Regnier fut renvoyé, et de peur que la jeune Léonore ne s’obstine dans sa soudaine fantaisie, le comte arrangea immédiatement un pacte de mariage pour elle avec le prince d’Aragon. En vain, elle a pleuré et imploré d’être autorisée à entrer dans un couvent plutôt que d’épouser un homme qu’elle détestait. Son père était inexorable : le prince arriva bientôt à Foix, et le mariage devait avoir lieu dans les plus brefs délais.
Léonore ne l’avait jamais vu auparavant, mais comme il était un prince très beau et vaillant, elle sembla bientôt se réconcilier avec son destin, et reçut ses hommages avec un plaisir apparent. Mais avant de signer le contrat qui devait sceller son destin à vie, Léonore demanda une faveur à son père.
« Je consentirai », dit-elle avec un de ses sourires les plus séduisants, « à épouser l’homme que je n’aime pas, pourvu que vous donniez ma dame de compagnie préférée, Marguerite de Pamiers[3], en mariage au noble anglais qui a demandé ma main en vain. Il a fait une profonde impression sur son cœur pendant ce jour fatal", continua Léonore avec un soupir, "et comme je ne peux pas... »
« Mais comment savoir s’il consentira ? » interrompit le comte. « Elle est, en effet, de noble naissance, mais sa dot n’est pas considérable, et même ma Léonore doit avouer qu’elle lui est de beaucoup inférieure en beauté. » « Eh bien, » répondit sa fille, « c’est peut-être le cas ; mais Marguerite elle-même croit que le baron Regnier acceptera volontiers la proposition ; et je peux seulement dire que, s’il le fait, je ne m’opposerai plus à tes souhaits. Envoyez un messager sans délai au château d’Arcizans ; et si la réponse est favorable, ma chère Marguerite sera mariée le matin même que vous avez fixé pour la célébration de mon mariage. »
Le comte de Foix, bien que très surpris, était ravi de la proposition de sa fille et accéda immédiatement à ses souhaits, bien qu’il n’espérât guère obtenir le consentement du baron Regnier.
En quatre jours, le messager revint, avec une lettre du baron, dans laquelle il déclarait être prêt à recevoir la belle main de Marguerite, et promettait d’apparaître le jour fixé pour la réclamer comme son épouse. Le château de Foix était maintenant dans l’agitation et les préparatifs ; cette forteresse, qui porte encore tant de traces de sa magnificence ancienne, était alors l’une des plus fières du sud de la France.
Outre la nombreuse famille de la mariée, et la grande suite qui avait accompagné le prince espagnol, le comte avait invité toute la principale noblesse du voisinage, et même de nombreux chevaliers anglais de Bayonne et de Bordeaux, pour orner la cérémonie de leur présence.
Le matin de cette journée mouvementée, Léonore et son amie Marguerite étaient vêtues de robes splendides, et bien que leur naissance et leur fortune fussent très différentes, cependant, par le souhait exprès de Léonore, leur costume était exactement semblable. Léonore s’avança d’abord pour recevoir la bénédiction de son père ; puis, donnant sa main au prince d’Aragon, elle fut conduite par lui à l’autel. Elle s’avança d’un pas ferme, et en passant près du baron anglais, son regard sembla dire que s’il avait possédé un instant son cœur, elle était maintenant bien heureuse d’épouser un prince de rang si supérieur, et presque égal à lui en beauté et en accomplissement. Marguerite de Pamiers, conduite par sa mère, fut ensuite présentée à son noble futur. Elle tremblait violemment lorsque le beau baron anglais lui prit la main, et il fut obligé de la soutenir jusqu’à l’autel, où ils s’agenouillèrent tous les quatre, et reçurent la bénédiction nuptiale du vénérable évêque de Pamiers.
La cérémonie était terminée. Les nobles et les dames de cour se sont précipités pour féliciter le Prince et son épouse. Le baron anglais, en raison d’un long voyage à effectuer ce jour-là, prit immédiatement congé de son noble hôte et, avec sa belle épouse, partit de Foix. Les deux amies étaient désespérées de leur séparation. L’épouse du Prince fut tellement bouleversée de prendre congé de sa chère compagne de jeunesse, qu’elle refusa d’assister au banquet et, sous le coup d’une soudaine indisposition, se retira dans sa propre chambre. Le prince était bien sûr attristé de perdre sa compagnie, mais il avait une disposition joyeuse, et participait donc gaiement aux divertissements et aux splendides fêtes de la journée.
Il était tard quand le banquet se termina ; et lorsque le prince d’Aragon se retira pour se reposer, il était évident qu’il était sous l’influence du bon vin de son beau-père—une circonstance, quoi qu’il en soit, qui n’attirait pas beaucoup d’attention à cette époque où tous étaient si attachés aux plaisirs de la table.
Le lendemain matin, à une heure matinale, le comte de Foix fut réveillé de son sommeil par les cris et la colère du prince d’Aragon. Son visage, jusqu’alors joyeux et de bonne humeur, arborait une expression de fureur et de cruelle déception, le premier rayon de soleil entré dans sa chambre nuptiale révélant à son regard étonné le teint sombre et la figure hautaine de Marguerite de Pamiers. Le comte de Foix était encore plus furieux de la comédie qui avait été jouée contre lui que le prince dans sa déception. Il convoque ses vassaux, et jure qu’il ne se reposerait pas avant d’avoir pris une terrible vengeance sur le noble anglais.
Marguerite se jeta aux pieds de son mari qui était en rage et blessé dans son honneur, déclarant qu’elle n’avait joué cette comédie que pour sauver la vie de Léonore, car cette princesse avait juré de se jeter des créneaux de la plus haute tour plutôt que d’épouser un homme qu’elle ne pouvait pas aimer.
Mais le prince Louis d’Aragon[4] la chassa avec colère, et accompagna le comte, avec une nombreuse suite, pour essayer de récupérer sa promise.
Une armée redoutable fut bientôt levée, car la plupart des États environnants détestaient les Anglais et, bien que nominalement en paix, étaient heureux de saisir chaque occasion de les combattre. Entre-temps, le baron Regnier et son épouse, qui avaient un jour et une nuit d’avance sur leurs poursuivants, atteignirent en toute sécurité le château d’Arcizans.
Léonore était enchantée de sa nouvelle résidence, et du succès d’un stratagème qui lui avait assuré l’amant de son choix, et pour son amie ambitieuse la main d’un prince.
Le lendemain, cependant, des rumeurs leur parvenaient sur l’approche de troupes hostiles, et le baron anglais se préparait à la défense. Mais Léonore ne montrait aucune peur.
« Je vais m’occuper d’eux », dit-elle avec un sourire fier et quelque peu malicieux. « J’ai un charme qui va bientôt transformer leur colère en amabilité. Je recevrai encore la bénédiction de mon père, et le Prince me remerciera de lui avoir donné une épouse aussi belle et aimante que Marguerite de Pamiers. »
« Comment cela peut-il être accompli ? » demanda le Baron. « Par le même sort qui m’a permis de tromper mon père et toute sa cour, et de les aveugler tous si efficacement le jour de notre mariage ».
Quel était ce sort ? Soit que la belle dame ait employé quelques sciences occultes, ou que la seule magie qu’elle ait utilisée soit le pouvoir de ses charmes et une volonté déterminée – c’est un mystère qui n’a jamais été éclairci. C’est en tout cas un fait certain, en dépit de troupes ennemies dix fois plus nombreuses que celles du chevalier anglais, et bien que le comte de Foix et le prince d’Aragon aient déclaré, en s’approchant du château, qu’ils ne laisseraient pas pierre sur pierre…, - jusqu’au moment où Léonore apparut devant les portes, et où tout sentiment hostile semblât dissipé. Les anciennes chroniques, de plus, indiquent que le père et l’amant trompé sont entrés dans le château en parfaite amitié avec son propriétaire, et ont été divertis par le jeune couple « très honorablement », que Margaret, elle aussi, a rejoint la joyeuse fête, et, après une visite de quinze jours, est partie, en grande pompe, avec son royal mari, pour Saragosse.
Le comte de Foix rendait souvent visite à sa fille et à son mari dans leur magnifique château d’Arcizans, et rien ne pouvait dépasser le bonheur dont ils jouissaient tous. Jusque là, tout est beau ; mais mon histoire n’est pas encore terminée. De tristes épreuves attendaient encore le jeune couple.
[1] Personnage non-identifié. Après Manaut 1er, chevalier d’Arcizas, seigneur en 1337, son fils Ramon-Arnaut d’Arcizas, lui succède et est seigneur en 1376 (Manaut 1er D’ARCIZAS : généalogie par Vincent LADEVÈSE (ladevese) - Geneanet).
[2] Probablement la famille de Gaston III de Foix dit « Phoebus » (en raison de sa beauté) Gaston III comte de Foix : généalogie par Dominique VERCOUTERE (dvercoutere) - Geneanet qui avait une fille nommée Eléonore, mais qui avait épousé Annet ou Aner [Régnier ?] de Gerderest en Béarn (Éléonore.0 de Béarn) d’où descendent les Lavedan Beaucens. Voir L'art de verifier les dates des faits historiques des chartes, des chroniqu... - Google Books
[3] Personnage non-identifié.
[4] Nous n’avons pas trouvé de Prince Louis. Dans son poème postérieur intitulé « Leonore » (Leonore: A Tale - Lady Georgiana Chatterton - Google Livres), Lady Chatterton nomme ce prince « Juan » - ce qui peut correspondre au prince Juan d’Aragon (1350-1395) Juan 1er de ARAGON : généalogie par Jacques JOUBERT (jjmtbauz) - Geneanet
Après la naissance de son deuxième enfant, la santé de Léonore déclina. Bientôt, elle sentit qu’elle était en train de mourir ; et pleine d’affection profonde pour son mari, et d’anxiété pour ses enfants, elle supplia Regnier de promettre qu’il ne leur donnerait jamais une autre mère. Le Baron, dont l’affection pour sa femme frôlait l’adoration, jura, sans un moment d’hésitation, et fit ce serment solennel que rien ne l’amènerait jamais à se remarier, ni à aimer une autre qu’elle-même ; ainsi la belle baronne mourut en paix, et son mari inconsolable érigea un splendide monument à sa mémoire dans la chapelle du château. Il était dans un désespoir total ; il renonça à toute société, à chaque sortie et chaque amusement qu’il avait jusque-là apprécié, et passa la plupart de son temps à contempler l’effigie en marbre de sa femme adorée qui était placée sur son tombeau, et dont on disait qu’elle lui ressemblait de manière frappante. Il semblait avoir perdu tout intérêt pour tout dans le monde, et ne pouvait supporter de voir personne d’autre que ses enfants. Le plus âgé avait environ trois ans, et le petit enfant s’efforçait, par tous les tendres sentiments, de gagner un sourire de son pauvre père, mais en vain.
Au fil du temps et des années, le chevalier anglais, qui était par nature d’un esprit joyeux et sociable, commença à apprécier les plaisirs de la chasse. Il se mêla progressivement à la société du voisinage, et participa à des tournois et à des réunions festives. Enfin, des rumeurs couraient selon lesquelles la belle fille du comte Sainte-Marie[1] avait conquis son cœur. Un soir, alors qu’il rentrait tard de l’habitation de cette belle demoiselle, et passait près de l’endroit où se trouve maintenant la chapelle de Pouy la Hunt—et, peut-être, pensant plutôt à ses charmes qu’à sa belle épouse décédée, — son attention fut arrêtée par une silhouette qui apparut au milieu des sombres arbres de la forêt, tandis qu’on entendait le son d’une musique charmante. C’était une voix de femme, mais plus harmonieuse que toutes celles qu’il avait entendues ; oui, même celle de sa défunte Léonore, célèbre pour la douceur de sa voix et pour ses pouvoirs musicaux. Il y avait quelque chose de si céleste dans les tons plaintifs qui venaient à son oreille qu’il s’arrêta et écouta avec ravissement ; il ne bougea pas, de peur de perturber un son si gracieux. Enfin, elle cessa ; mais la lune s’était levée au-dessus de la neige, coiffait les Gabizos [plutôt que le Vignemale !], et ses rayons clairs et luisants brillaient à travers les arbres, illuminant le profil d’une adorable femme.
Elle était assise sur le bord de ce rocher qui forme maintenant la fondation de la chapelle de Pouey la Hunt, et ne semblait pas voir le Baron, qui se tenait à l’ombre d’un châtaignier. Sans chercher à comprendre la circonstance étrange qui avait conduit dans un endroit si isolé, une dame seule, à cette heure-là, il s’approcha du bel être et avec des accents passionnés exprima l’admiration qu’elle lui avait inspirée. La voix avec laquelle elle lui répondit était encore plus touchante que son chant ; et la tradition dit que le baron était tellement charmé par la belle étrangère, qu’avant que le soleil ne se lève le lendemain matin, il avait complètement oublié son serment à sa défunte femme, et suppliait la mystérieuse dame d’être sienne.
« Je consentirai », dit-elle, « à une condition—c’est que vous promettiez fidèlement de ne faire aucune enquête sur moi ; rentrez chez vous, et considérez et examinez vos propres sentiments calmement ; et si vous deviez rester dans les mêmes sentiments pendant une semaine, revenez alors à cet endroit à minuit et vous me trouverez. »
Une semaine !— une semaine entière ! Jamais le temps n’était apparu aussi long au Baron auparavant. Il oublia complètement la dame de Sainte-Marie, dont les charmes avaient certainement fait une impression profonde mais peu durable sur son cœur. Il oublia tout, sauf le charmant être mystérieux du vallon, et compta les heures et les moments jusqu’à l’expiration du temps fixé. Il était, en effet, retourné là-bas tous les jours et toutes les nuits, et l’y avait cherchée avec soin dans toutes les directions ; mais on ne pouvait y voir aucune dame, ni même aucune habitation où elle aurait pu vivre.
Pendant cette pénible semaine, son petit garçon tomba dangereusement malade. L’enfant dit qu’il avait vu sa chère mère dans son sommeil, et qu’elle avait l’air très malheureuse.
« Emmène-moi à elle », dit le petit enfant en pleurant amèrement. « Laisse-moi aller à cette belle tombe, où elle nous sourit tous les jours. Je veux voir si cette figure de marbre, qui est tout ce qu’il nous reste d’elle, semble aussi malheureuse. Je t’en prie ! Emmène-moi, père chéri, sur sa tombe ! »
Le baron, voyant que l’enfant avait une forte fièvre, l’exhorta à revenir rapidement au lit.
« Pourquoi ne m’y emmènes-tu pas ? » sanglota le pauvre enfant. « Tu ne te sentais jamais heureux, sauf quand tu priais devant sa tombe ; et maintenant tu n’y vas presque jamais. Cher Père, emmène-moi, et prie ! »
L’enfant était si impatient d’y aller que son père, s’étant efforcé en vain de le calmer, le prit dans ses bras et le porta à la chapelle.
Un puissant soleil brillait à travers les fenêtres en verre peint et illuminait les bâtiments élevés, mais le transept nord, qui contenait le monument, était dans l’ombre.
« Elle est partie ! s’écria l’enfant, avant qu’ils n’aient atteint cette partie ; « Ma chère mère n’est pas là ! » - et le pauvre garçon éclata en sanglots. Le comte se précipita vers le monument, et y découvrit, à sa grande horreur et surprise, que la statue avait disparu.
« Qui a fait cela ? » demanda le baron, à ses serviteurs étonnés, qui, en entendant les cris de l’enfant, s’étaient précipités sur place.
Personne ne pouvait le dire. La belle figure, aussi grande que nature, qui s’était tenue au-dessus de la sépulture, avait vraiment disparu, mais aucune marque n’indiquait comment elle aurait pu être emportée.
Le prêtre terrifié maintenait que lorsqu’il avait verrouillé la porte, la nuit précédente, tout était en sécurité, car la dernière chose qu’il avait faite était d’éteindre une lampe qui brûlait toujours devant le tombeau, et il l’aurait remarqué si la statue n’avait pas été là.
Tout le monde fut interrogé, et des recherches assidues furent menées, mais aucune nouvelle de la statue ne put être obtenue. Le petit Regnier pleurait amèrement la perte de sa « mère chérie », ainsi qu’il appelait la statue, et fut très malade toute la nuit et le jour suivant. Or, le lendemain soir était celui qu’attendait le baron Regnier avec une grande anxiété. Il resta avec son pauvre enfant malade jusqu’au dernier moment, car il aimait profondément le garçon et contemplait ses souffrances avec une tristesse infinie ; finalement, il essaya de sortir doucement.
« Ne me quitte pas, cher père—prie, prie, prie ! ne me quitte pas ! Je ferai encore un mauvais rêve si tu pars. Tu sais que j’ai dormi beaucoup plus heureux la nuit dernière, quand tu étais près de moi, et que je me suis réveillé tellement mieux ce matin. Reste —reste ! »
Le pauvre baron était tristement embarrassé. La maladie de son enfant et la disparition mystérieuse de la statue l’avaient profondément touché, et, devant le lit de souffrance du garçon, il avait réfléchi à toute sa conduite depuis la mort de sa femme. Il se souvenait maintenant de ce qu’étaient ses anciens sentiments, et que — « l’Amour
n’admet pas qu’on divise sa valeur :
On ne peut pas mettre une même pierre précieuse dans plusieurs anneaux. »
Il avait failli se montrer deux fois infidèle à la promesse solennelle qu’il avait faite à Léonore sur son lit de mort. Il avait été follement attiré par les qualités superficielles de la demoiselle de Sainte-Marie, qui n’était certainement pas le genre de personne qui ferait une bonne mère pour ses enfants adorés. Mais vint ensuite l’étrangère mystérieuse ! Dès qu’il pensa à elle, il étouffa tous les reproches qu’il se faisait à lui-même. C’était comme s’il y avait eu un sort ou quelque magie dans cette image capable d’effacer toutes les autres impressions de son esprit—le souvenir de toute sa vie passée semblait s’estomper devant cet être resplendissant. Il semblait n’avoir vécu qu’une nuit dans le vallon de Pouey la Hunt.
Il doit y retourner—une impulsion irrésistible semblait l’y contraindre ; pourtant, il sentait qu’il était étrange que le garçon soit si anxieux à l’idée de son départ. Il fut finalement comme « arraché » de sa chambre, et, bien que le pauvre enfant ait poussé un cri perçant, qui alla droit au cœur du père, il n’écouta toujours pas son appel touchant. Le baron se précipita hors du château, mais ce cri plaintif avait laissé un sentiment de tristesse dans son cœur : il se sentait oppressé par la conviction qu’un terrible malheur était sur le point de se produire. Cependant, cette passion qui fait que les pères oublient leur progéniture bien-aimée, et qui est cause de la moitié des malheurs du monde, l’a jeté en avant, et il atteint le vallon à l’heure convenue.
L’être merveilleux était déjà là, mais je ne vais pas raconter la joie de la rencontre. Le Baron oublia femme, enfant et tout le reste, et jura d’appartenir entièrement à la fascinante créature.
« Mais il y a une punition effrayante », dit-elle en entendant sa détermination ; « si vous m’épousez, votre aîné mourra. »
Regnier frissonna, mais son amour était si puissant qu’il persista encore.
« C’était impossible », pensa-t-il.
« Aucun malheur ne pourrait être lié à un être aussi charmant. Sa présence devait apporter une bénédiction sur la maison où elle habiterait. » Ainsi raisonnait le baron, comme nous le faisons tous lorsque nous sommes aveuglés par la passion.
« Alors demain soir, je viendrai à la chapelle du château. Ne me posez aucune question, mais préparez tout pour la cérémonie de mariage ; et à minuit ouvrez la petite porte sur la tourelle ouest, et je serai là. »
Regnier frissonna à nouveau, car c’était par cette porte que le corps de sa femme avait été transporté dans la tombe et il ne l’avait jamais ouverte depuis cette nuit fatale. Avant le lever du jour, il retourna chez lui, et avec une anxiété extrême se rendit à la chambre de son enfant.
« Oh, cher père, je suis tellement content que tu sois venu ! » s’exclama le garçon ; je pensais que je ne te reverrai jamais plus ; j’ai passé une nuit si épouvantable ! J’ai revu ma chère mère, et elle avait l’air encore plus triste, et j’ai dit que tu l’avais abandonnée. Oh, je ne serai jamais heureux tant que sa chère statue ne sera pas revenue — laisse-moi y aller et voir si elle est là !
L’enfant fut dangereusement malade toute la journée, mais vers la nuit il tomba dans un profond sommeil, et le baron se hâta de quitter son lit de souffrance pour tout préparer pour la cérémonie. La chapelle était magnifiquement illuminée et ornée d’une profusion des fleurs les plus choisies. Mais d’étranges rumeurs circulaient dans le château, et certains des vieux serviteurs secouèrent la tête, déclarant qu’aucun bien ne pouvait venir de telles actions extraordinaires ; car ils étaient tous conscients du serment que le baron avait prêté à sa femme mourante.
« Eh bien, je n’aurais jamais pensé que cela en arriverait là ! » dit le vieux sénéchal. « Il va vraiment se marier ! et à qui, personne ne sait. Eh bien, je savais que quelque chose de terrible arriverait depuis que l’effigie de notre dame Léonore a disparu. »
Ainsi, tous les vieux serviteurs murmuraient, et même le prêtre semblait presque réticent à effectuer la cérémonie de mariage.
Le baron, cependant, ne tint pas compte de toutes ces déplaisantes suppositions, et attendit anxieusement jusqu’à l’heure de minuit.
« Vous voyez, notre noble seigneur ! – il va à cette porte fatale ! » s’exclama le sénéchal, alors que le baron s’apprêtait à ouvrir la porte ouest. Mais quand ils le virent revenir avec la belle dame, tous les murmures furent étouffés.
« C’est un ange, à coup sûr ! » s’exclamèrent-ils. « Eh bien ! pas étonnant que notre maître oublie sa promesse ! »
La messe du mariage fut dite, et Regnier prit la main de sa mariée pour la conduire à la salle de banquet – il faisait un froid glacial. Il la regarda et fut surpris d’observer que ses traits semblaient s’altérer – son visage devint profondément pâle. Le baron frissonna, mais s’efforça d’attirer son épouse vers la porte de l’église, quand soudain la main dont le toucher glacé l’avait fait trembler sembla disparaître – il ne sentit rien. Il pressa plus près la silhouette évanescente de son épouse, mais elle lui échappa. Plus il cherche à s’en approcher, et plus vite elle s’éloigne.
Mais quel miracle est-ce ? Ces jolis traits prennent la ressemblance de sa défunte épouse ! C’est elle !
« Oui, je suis l’esprit de ta Léonore autrefois aimée ! Deux fois tu m’as montré ta foi. Dieu merci, je t’ai sauvé du parjure ; et maintenant, j’espère que lorsque nous nous rencontrerons à nouveau, ce sera sur le trône de Dieu. Ne pleure pas, cher Regnier, mais repens-toi. Consacre le reste de ta vie au service de Dieu et au bien-être de tes chers enfants ; et comme expiation du péché que tu as commis, fais ériger une église magnifique pour la Sainte Vierge, à l’endroit où tu as vu mon esprit immortel. »
Ayant ainsi parlé, la figure s’éloigna lentement vers le tombeau, quand, à la surprise de tous, elle disparut, et la statue perdue fut de nouveau vue dans sa position d’origine. Et il ne disparut plus jamais, car le baron n’a plus jamais dérangé l’esprit de sa défunte épouse. Il érigea immédiatement une magnifique église à Pouey la Hunt, et la dota de revenus abondants.
La chapelle d’Arcizans et une grande partie du château ont été détruites ; mais un vieux paysan nous a dit qu’il se souvient qu’un garçon, qui connaissait la statue miraculeuse de Léonore, avait vu exactement la même à Notre-Dame de Pouy la Hunt, où, après la destruction d’Arcizans, elle avait été portée, et placée sur l’autel principal. Là, elle a accompli presqu’autant de guérisons et de miracles que le bienheureux Saint Bertrand lui-même. « Elle a été malheureusement cassée en morceaux », dit le vieil homme, « par les troupes révolutionnaires ; mais l’une des mains reste toujours entière, et on dit qu’elle est si froide que personne ne peut la toucher. »
« La main, alors », dis-je, « n’effectue aucune guérison ? »
« Oh, non », dit le vieil homme, d’un geste lugubre de la tête, « les mauvaises troupes qui brisèrent en morceaux la statue détruisirent la vertu qui lui donnait tant de pouvoir. Dans ma jeunesse, nous croyions beaucoup de bonnes choses, et quand quelqu’un était malade ou en difficulté, il n’avait qu’à faire un pèlerinage à Notre-Dame, et il était sûr de trouver de l’aide. Mais, comme je l’ai dit auparavant, la révolution a gâché tout cela, et nous n’avons plus rien maintenant, et les jeunes gens disent qu’il est insensé de croire en quoi que ce soit. »
Et le vieil homme serra ses mains sur le sommet de son bâton, et se détourna avec un regard de désespoir qui me toucha au cœur. Pauvre homme, il a perdu sa confiance dans la croyance de ses ancêtres et n’a pas retrouvé les fermes principes d’une foi meilleure. C’est probablement le cas de millions de personnes ! Le vieil homme, cependant, croyait implicitement l’histoire que j’ai racontée. Il a dit que tout cela est arrivé dans le bon vieux temps, « avant que l’humanité ne devienne si méchante, et donc sous la protection des bons esprits qui sont venus parmi nous ; maintenant Dieu nous a abandonnés, et ses anges et saints ne nous apparaissent plus ! » Il aurait pu ajouter, s’il avait connu Shakespeare et ses amis, que—
« Le temps a passé, il n’est plus temps pour les formes divines
De quitter un moment leurs maisons étoilées,
Et de traverser les nuages et les tempêtes des humains,
Joie élyséenne sur des dômes mortels.
Le temps a passé quand Phœbus lança
Ses sorts dorés sur la terre rieuse ;
Et chaque champ et chaque forêt résonnaient
Des hymnes de félicité et des cris de joie.
L’Amour, lui-même, a replié ses ailes,
Et de sa main, a jeté son arc ;
La lyre d’Apollon a perdu ses cordes
Son air s’est envolé—Le temps a passé !
Les glorieux visiteurs sont partis
Qui ont donné à ce monde si lumineux une grâce,
Et le chagrin et les soins—mille désirs,
Et les crimes sans fin, sont à leur place. »
[1] Personnage non identifié. Peut-être venait-elle du Béarn par le Soulor ?
Illustration du poème : Leonore: A Tale par Lady Georgiana Chatterton, éd. Macmillan, 1865 (155p.)
- 1307. Cession de l’hommage de la Bigorre par l’évêque du Puy à Philippe-le-Bel, roi de France
« …En 1307, l’évêque du Puy et son chapitre céderont à Philippe le Bel l’hommage de Lourdes et de la Bigorre, lequel sera remplacé par un tribut annuel et perpétuel qui sera versé jusqu’à la Révolution française. Ainsi, l’église angélique du Puy revendique hautement et à juste titre son droit d’aînesse et de suzeraineté sur la terre de Lourdes. Plus près de nous, les pèlerinages reprendront de Lourdes au Puy et celui du 15 août 1829 sera l’un des plus marquants. De plus, le 11 février 1856, le pape Pie IX signera le décret d’érection de la cathédrale du Puy, église-mère de Lourdes, en basilique mineure, soit deux ans jour pour jour avant la première apparition de la Bienheureuse Vierge Marie à Lourdes… » (Source. Internet. Site : La prière pour la France).
- 1348-1350. La grande peste.
« …La peste noire est une pandémie de peste bubonique, qui a touché la population européenne entre 1347 et 1352. Elle n'est ni la première ni la dernière épidémie de ce type, mais elle est la seule à porter ce nom. En revanche, elle est la première épidémie de l'histoire à avoir été bien décrite par les chroniqueurs contemporains. On estime que la peste noire a tué entre 30 et 50 % de la population européenne en cinq ans, faisant environ vingt-cinq millions de victimes.
De Marseille, en novembre 1347, la « grande peste » gagna rapidement Avignon, en janvier 1348, alors cité papale et carrefour du monde chrétien, la venue de fidèles en grand nombre contribuant à sa diffusion. Début février, elle atteint Montpellier, puis Béziers. Le 16 février 1348, elle est à Narbonne ; début mars à Carcassonne ; fin mars à Perpignan. Fin juin, l'épidémie atteint Bordeaux. À partir de ce port, elle se diffuse rapidement. L'Angleterre est touchée le 24 juin 1348. Le 25 juin 1348, elle apparaît à Rouen, puis à Pontoise et Saint- Denis. Le 20 août 1348, elle se déclare à Paris. En septembre, la peste atteint le Limousin et l'Angoumois ; en octobre le Poitou ; fin novembre Angers et l'Anjou. En décembre, elle est apportée de Londres à Calais. En décembre 1348, elle a envahi toute l’Europe méridionale, de la Grèce au sud de l'Angleterre. L'hiver 1348-1349 arrête sa propagation.
En décembre 1349, la peste a traversé presque toute l’Allemagne, le Danemark, l’Angleterre, le Pays de Galles, une bonne partie de l’Irlande et de l’Écosse. Elle continue ensuite sa progression vers l'est et vers le nord, dévastant la Scandinavie en 1350, puis l'Écosse, l'Islande ou le Groenland, s'arrêtant aux vastes plaines inhabitées de Russie en 1351. Cette progression n'est pas homogène, les régions n'étant pas toutes touchées de la même façon. Des villages, et même certaines villes sont épargnées comme Bruges, Milan et Nuremberg, au prix de mesures d'exclusion drastiques, et il en est de même pour le Béarn et la Pologne… » (Source. Wikipedia).
- 1349. Premier document d’archive relatif à la chapelle et à l’hôpital d’Héas, et, par extension, à la chapelle et à l’hôpital de Poueylaün (Source. Henry d’Agrain, Arrens et la chapelle de Pouey-Lahun, Tarbes, 1928, p. 69).
Henry d’Agrain interprétant la légende des deux colombes communes à Héas et Poueylaün en infère « un synchronisme entre les constructions des [ces] deux premiers oratoires. Comme la mention la plus reculée que nous avons de la chapelle de Héas remonte à l’an 1349, à défaut de tout document certain, on peut au moins en déduire l’époque où naquit le pèlerinage Azunais … ». Voici la transcription de ce document, retrouvé dans un censier datant du 19 décembre 1349, fait à Préchac, en Davantaygue, et inséré dans un registre appelé communément Le Livre vert de Bénac dans lequel il est dit que le seigneur de Castelloubon (alias le vicomte de Lavedan) avait donné, « pour le salut de son âme, à Notre-Dame d’Héas, une poule et une rente de douze deniers Morlaàs, à prendre sur le domaine de Soulas…» et, plus particulièrement, que « … l’ostau de Guilhem de Soulaas, fe X soos de Morlaas e una guarie de sens, en ladita festa [la Toussaint], par arraye de assensament naued qui fe sober tot lo loc de Solaas, deus quaus X soos de Morlaàs ne lexa mosseyher per tots tems a Sancte Marie de Feaas, XII dies Morlaàs per la sua anime. » (Source. Louis Dupuy, M.I.C, Notre- Dame de Héas, Nouvelle édition, Tarbes, 1955, p. 25, qui précise dans une note que « ce précieux document est dû à l’obligeance d’un ami dévoué de N.-D. de Héas, M. Gaston Balencie, de St-Pé [voir Annexe VII : Notices et généalogie Famille Balencie], qui le destinait au Bulletin de la Société Académique des Hautes-Pyrénées, mais qui a bien voulu lui en donner la primeur. Nous avons puisé à la même source une mention faite de Nostre-Dame de Féas dans le Censier de Bigorre de l’an 1429.)
« … Pendant tout le moyen-âge, le pays très chrétien connut un immense mouvement religieux et un afflux de pèlerins qui allaient vers l’Espagne, au sanctuaire très connu et très aimé de Notre-Dame del Pilar à Saragosse, et au tombeau de l’Apôtre Saint Jacques, à Compostelle, sur la côte cantabrique […]. Entre les vallées aragonaises et nos vallées, il se faisait alors un trafic intense, trafic commercial et religieux. Les routes et les frontières que nous connaissons aujourd’hui n’existaient pas. Il était plus aisé de se rendre dans les vallées aragonaises que dans les plaines de Béarn ou de Bigorre. Les routes de cette époque étaient des routes commerçantes et pèlerines. Or, à l’approche des cols, -dans la langue du pays : le port-, qui livraient passage sur le versant ibérique, se trouvaient des asiles qui recueillaient les voyageurs, pèlerins ou commerçants, et près de ces asiles, s’élevait un oratoire. Ainsi en était- il à Gabas, près du col du Pourtalet, dans la vallée d’Ossau, au Somport, dans la vallée d’Aspe, à Gavarnie, dans la vallée de Barèges, etc. Il donc très probable que, dans la vallée d’Azun, à Arrens, dernier village avant les montagnes espagnoles et les marches d’Aragon, il y ait eu un asile de ce genre et un oratoire. D’ailleurs, le lieu où est édifiée la chapelle de Poueylaün, a été, pendant très longtemps, appelé « l’hospitalet », le petit hospice […]. Il reste d’ailleurs un témoignage du passage des pèlerins vers Saragosse. Dans le chœur de cette église [Marsous, village limitrophe de celui d’Arrens], on peut voir un tableau qui représente un pèlerin agenouillé devant le pilier sur lequel repose la Vierge de Saragosse, appelée Notre- Dame del Pilar... » (Source. Abbé Bernard Peyou, curé d’Arrens. Notre-Dame de Poueylaün, « Tu honorificentia populi nostri », Tarbes, 21 juin 1945, pp. 8-9).
Photo n° 011. Châsse de Saint-Savin. Cuivre argenté et doré. Début du XVème s. (h. : 0m395 ; l : 0m49 ; prof. : 0m32). Trésor de l’abbaye de Saint-Savin. Cl. F. Lalanne.
Note : 21 mai 1410 (Source : Ms des Mauristes : MONASTICON BENEDICTINUM Recueil de pièces sur l'histoire de divers monastères bénédictins, formé au XVIIe et au XVIIIe s. et intitulé Monasticon benedictinum. Voici le nonm des maisons sur lesquelles ce recueil fournit des documents de quelque étendue. S. Savin de Lavedan (1). | Gallica - Cote : Latin 12696) :
folio 22v et 23r :
"Homines locorum d’Arens, Aucun, Arcizans, Gailhagos et Bun promiserunt libere et gratuita voluntate se daturos Raimundo Arnaldo de Begola Sti Savini abbati et fratribus Bernardo de Planis, Bernardo de Sostradade Arcizanis… Casasus de Lorda, quadringentos auri florenos, computatis triginta sex solidis pro quolibet floreno, pro conficienda capsa in qua Sti Savini corpus et aliae quaedam Reliquiae conderentur. Actum XXI maii anno Domini MCCCCX 1410.
Autre version [qui précise Arcizans-Avant] : Recueil de pièces sur l'histoire de divers monastères bénédictins, formé au XVIIe et au XVIIIe s. et intitulé Monasticon benedictinum. Voici le nonm des maisons sur lesquelles ce recueil fournit des documents de quelque étendue. S. Sever de Rustaing (3 et 84). | Gallica
f°72r-v [vue 77-78] pagination intérieure f° 37-38 . De capsa S. Savini.
Homines locorum d’Arens, Aucun, Arcizans, Gailhagos et Bun promiserunt libere et gratuita voluntate se daturos Raimundo Arnaldo de Begola Sti Savini abbati et fratribus Bernardo de Planis, Bernardo de Sostrada Arcizanis Avant, et… Casasus de Lorda, quadringentos auri florenos, computatis triginta sex solidis pro quolibet floreno, pro conficienda capsa in qua Sti Savini corpus et aliae quaedam Reliquiae conderentur. Actum XXI maii anno Domini MCCCCX 1410."
(trad. A.L.) "21 mai 1410 : Les hommes d’Arrens, Aucun, Arcizans, Gaillagos et Bun ont promis librement et de volonté gratuite de donner à Raimond Arnaud de Bégole, abbé de St Savin, et aux frères Bernard de Planis, Bernard de Sostrade d’Arcizans-Avant et Casasus de Lourdes, 40 florins d’or composés de 36 sols par florin, en vue de réaliser une châsse dans laquelle sont déposés le corps de Saint Savin et d’autres reliques."
I.2. 1er novembre 1449. Première mention de « l’œuvre de Notre-Dame de Poueylaün ».
- 1er novembre 1449. Testament de Pierre deu Sabaté, de Saint-Savin, qui fit donation « de deux blancs à chacune des œuvres (obras) de Notre-Dame de Sarrance, de Notre-Dame d’Héas et de Notre-Dame de Poueylaün … » (Source : A.D. Gers. Minute de Pierre Sajous, notaire à Argelès. Cote 3 E 3654).
« … On sait qu’il existait un hôpital à Sarrance et un autre à Héas. Les dons habituels faits aux œuvres hospitalières étaient pour le Lavedan de 2 blancs. On peut en déduire que l’œuvre attachée à Notre-Dame de Poueylaün était aussi une œuvre hospitalière… » (Source. « Pèlerinages des temps passés », Bulletin Lavedan et Pays Toy, Collectif SESV, Mengelle M.P., Ninin-Barus J.P., Ripoll J., in Société d’Etudes des Sept Vallées, n° 43, 2012, p. 16).